Les 9 et 10 novembre 2022 avaient lieu les 9èmes Rencontres Nationales Accueil et Relation Usagers organisées à Strasbourg. Comme de nombreux acteurs de la sphère publique, le cabinet meja était présent. Nous avons eu le plaisir d’y observer de nombreuses initiatives autour de l’accueil et de la relation usagers, des moments d’échange riches, et des idées inspirantes. Ce foisonnement nous a mené à cette question : où en est-on de la professionnalisation de l’accueil des usagers dans les collectivités ? Cet article vise à apporter quelques éléments de réponse.
La relation usagers : une politique publique ?
Pour dire d’un agent qu’il est un « professionnel » de tel ou tel secteur, il faut considérer qu’il travaille au service d’une politique publique. La première question que l’on doit se poser est donc : la relation usager est-elle une politique publique ?
Intéressons-nous d’abord à ce qui définit une politique publique. Une des définitions les plus consensuelles est la suivante : « Une politique publique se présente sous la forme d’un programme d’action propre à une ou plusieurs autorités publiques ou gouvernementales » (Thoenig, 1985). Pour parler de politique publique, il faut pouvoir observer a minima :
- Le portage par une autorité publique (en l’occurrence des collectivités) ;
- Un ensemble de mesures concrètes et cohérentes, reliées entre elles ;
- Des personnes qui travaillent pour les mettre en place et les incarner.
Une considération tardive de la relation usager en France
En pratique, est-il donc possible de parler de politiques publiques de la relation usager ? Bien longtemps, la relation à l’usager (aux usagers) a été considérée comme un pendant naturel de l’action de l’administration, c’est-à-dire que la mission première des pouvoirs publics était de produire des services publics, et que pour produire ces services, il fallait nécessairement entrer en relation avec les usagers. Ainsi, on comptait un ensemble de politiques publiques dans une pluralité de domaines (économie, social, état civil, sports, gestion des déchets, etc.), et la relation usager n’était pas une politique en tant que telle mais une composante de ces politiques.
On se concentrait alors plus sur la finalité des politiques (est-ce que le montant de mon allocation est assez élevé ?), sans trop s’interroger sur la manière de les produire et sur la façon dont les usagers s’en saisissaient (est-ce que les bénéficiaires de mon allocation vont être capables de la demander ?). Cela a conduit à des situations souvent dénoncées par le Défenseur des droits, où on a constaté que les usagers n’utilisaient pas, peu, ou mal, les services publics à leur disposition, car les démarches étaient trop complexes ou trop longues.
Face à ce constat, la doctrine de l’administration française a évolué, et des questions comme l’accès aux droits, l’accès aux politiques publiques, l’inclusion, sont maintenant posées dès la construction des politiques publiques. Certaines collectivités sont allées plus loin. Elles ont considéré que la question de l’accueil et de la relation aux usagers est une politique en tant que telle, transversale par nature. Ce sont ces administrations pionnières en France qui étaient présentes aux Rencontres Nationales Accueil et Relation Usagers.
Une politique publique de la relation usagers désormais visible
Ainsi, ce moment d’échange autour de la relation usagers met en lumière l’émergence de la relation usagers comme une vraie politique publique au sein des collectivités. Cela se matérialise dans :
- Le portage stratégique de la relation usager et de l’accueil dans ces collectivités, le plus souvent dans une démarche de qualité du service rendu. L’émergence de directions relation usagers est de ce point de vue très parlante.
- La mise en place de feuilles de routes et d’actions cohérentes visant à améliorer la relation usagers (nous détaillerons les actions que nous avons trouvé les plus intéressantes dans un autre article).
- L’implication des agents : les agents d’accueil bien sûr dont la relation à l’usager est le métier, et aussi des managers qui sont les garants de la qualité de l’accueil dans leurs collectivités respectives.
Une professionnalisation à deux vitesses
Ensuite, pour répondre à la question de l’état de la professionnalisation de la relation usagers dans les collectivités, nous serons plus nuancés. Derrière le terme de professionnalisation, il y a la question de l’identité professionnelle (se sentir appartenir à un groupe d’individus), de la reconnaissance, du développement (compétences et connaissances), et une démarche de réflexion sur cette même profession.
Nous pensons que la professionnalisation de la relation usagers va crescendo car :
- L’identité des professionnels de la relation usagers émerge, notamment à travers la multiplication de directions ou de services « relation usagers » qui mettent en premier plan la mobilisation des compétences d’accueil et de relation aux usagers par leurs agents. Cela participe également à la valorisation de ces compétences. Ainsi, on assiste à la construction d’une identité perçue positivement, reconnue.
- Le développement des compétences et connaissances se matérialise dans des formations toujours plus nombreuses proposées (par exemple par le CNFPT), sur des thématiques précises qui permettent de progresser dans les métiers de l’accueil. C’est par exemple, la possibilité pour un agent de se former sur l’accueil de publics difficiles. Le terme de « polycompétences » souvent utilisé pour les agents d’accueil qui doivent maitriser différentes expertises transverses au sein des collectivités, participe évidemment de ce mouvement de professionnalisation.
- Enfin, la démarche réflexive autour de la profession est tout à fait incarnée par les Rencontres Nationales Accueil et Relation Usagers, qui sont un moment de recul précieux pour les professionnels du secteur.
Des disparités entre collectivités : un défi pour la professionnalisation
Pourtant, ces rencontres offrent un échantillon bien particulier d’experts du domaine. La majorité des collectivités présentes étaient de grande taille, avec une relation usagers structurée, et une politique instituée depuis longtemps (Eurométropole de Strasbourg, Département de Gironde, Région Occitanie, etc.). Mais dans beaucoup d’autres collectivités, l’accueil reste le parent pauvre de l’action publique, la variable d’ajustement. Et cela impacte bien entendu la qualité du service rendu et l’image de la collectivité. En témoigne la considération trop faible vis-à-vis d’agents d’accueil souvent placés à ces postes par défaut, parfois en reclassement.
Des perspectives d’amélioration pour une relation usagers valorisée
Ce constat n’est pas une fatalité, et il est de notre responsabilité de faire de cette situation une opportunité. En effet, les témoignages entendus montrent qu’il est possible à moindres frais d’améliorer substantiellement la qualité d’accueil et l’attractivité pour ces postes, notamment en diminuant les tâches répétitives et en augmentant l’accompagnement apporté par les agents d’accueil aux publics. Le rôle du cabinet de conseil meja est d’accompagner ces évolutions, afin que l’accueil et la relation usager aient la place qu’ils méritent au sein des politiques publiques.