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Quelles réponses aux évolutions de la relation usagers ? - meja
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Comment répondre aux évolutions de la relation usagers dans les collectivités ?

La relation entre les administrations et les usagers se transforme à vitesse grand V. La pandémie de Covid-19 l’a confirmé : les collectivités restent un échelon de proximité vers lesquelles les usagers se tournent lorsqu’ils en ont besoin, mais elles doivent s’adapter pour maintenir cette relation dans un contexte en évolution constante. La numérisation de l’action publique et de la relation aux usagers est la face la plus visible de cette évolution, en témoignent les nombreux projets de « dématérialisation », de « développement de téléservices », de « guichets numériques », etc.

Pour autant, la numérisation de la gestion de la relation usagers répond-elle totalement aux attentes des usagers et des agents ? Nous tentons d’apporter dans cet article quelques éléments de réponse tirés de notre expérience en tant que consultants en transformation numérique, et d’identifier les leviers pour une amélioration de la relation usagers s’appuyant sur les nouveaux outils à notre disposition.

La dématérialisation de la Gestion de la Relation Usagers, un mouvement de fond.

La Gestion de la Relation Usagers (GRU) est un concept inspiré de la gestion de la relation client qui se matérialise dans « l’ensemble des outils et techniques destinés à tenir compte des souhaits et des attentes des clients et des prospects, afin de les satisfaire et de les fidéliser en leur offrant ou proposant des services[1] ».

Si l’accueil des usagers a toujours été une préoccupation dans le service public, l’arrivée dans les années 2000 de logiciels de Gestion de la Relation Citoyen, puis de Gestion de la Relation Usagers (qui comprend les citoyens, mais aussi les associations et entreprises) a permis de matérialiser ce concept et a transformé la relation administration/administrés. En effet, le développement de services en ligne accessibles 24/7, la mise en place de guichets numériques, ont permis aux usagers de faire des demandes à distance et de suivre l’avancement de leurs démarches, et aux agents de gérer des masses plus importantes de demandes.

Pour les usagers, la possibilité de faire des démarches en ligne est aujourd’hui devenue une attente vis-à-vis du service public. Pour les administrations, la transformation est plus nuancée. De grands programmes nationaux (comme Action Publique 2022) incitent à la dématérialisation des démarches, considérée comme une manière de moderniser les services publics et de baisser les dépenses publiques. Les exécutifs locaux sont aussi très porteurs de projets numériques offrant une vraie plus-value pour les citoyens, et qui sont aussi vecteurs d’une bonne image et permettent de piloter efficacement l’administration. Toutefois, les agents sont parfois plus réticents, et notamment ceux en lien direct avec les usagers, car la numérisation amènerait selon certains une dépersonnalisation des échanges et une potentielle régression du travail d’accueil et de prise en charge de l’usager. Cela dit, les agents voient cette évolution positivement dès lors qu’ils considèrent qu’elle « enrichit la dimension de service au public et contribue ainsi à en améliorer la qualité »[2]. Aujourd’hui, la dématérialisation est omniprésente, la question pour les collectivités n’est pas de savoir s’il faut s’en saisir, mais plutôt comment s’en saisir.  

Une transformation de la GRU qui répond aux attentes de la plupart des usagers ?

Comme nous le disions plus haut, la dématérialisation des démarches a transformé le service à l’usager. Dans l’approche même, les administrations cherchent de plus en plus à s’adapter aux attentes des usagers, là où elles imposaient auparavant leurs contraintes (en termes d’horaires d’ouvertures ou de procédure de réponse par exemple). Les usagers l’ont bien compris et sont de plus en plus exigeants auprès d’administrations dont ils évaluent la qualité de service au même titre que des entreprises privées (il suffit pour cela de se rendre sur les avis Google des collectivités).

Selon une étude[3], les usagers des services publics recherchent en priorité deux choses : la rapidité de la réponse et la simplicité de la démarche. Mais alors, l’arrivée des progiciels de GRU permet-elle de répondre à ces attentes ? A priori, la réponse est oui. En effet, le déploiement de téléservices, pourvu qu’il soit pensé pour l’utilisateur – la démarche d’UX design est de ce point de vue essentielle – permet de gagner en simplicité au moment du dépôt. Par exemple, des initiatives telles que la conservation des pièces justificatives (démarche Dites-le-Nous Une Fois) par la collectivité permet à l’usager de se concentrer sur sa demande uniquement. Autre exemple, l’omnicanalité (possibilité pour un usager de contacter sa collectivité par téléphone, sur place, en ligne, ou autre) simplifie la vie d’usagers auparavant contraints de se déplacer et qui peuvent désormais contacter la collectivité comme ils l’entendent. En termes de gain de temps, une GRU bien pensée et en lien avec les logiciels métiers utilisés par la collectivité doit permettre non seulement d’améliorer le délai de réponse, mais aussi de suivre l’avancement de cette réponse, ce qui facilite l’acceptabilité du délai par l’usager.

Les limites du numérique.

Toutefois, si ces évolutions répondent à des besoins contemporains, elles portent en elles d’autres problématiques.

La première tient à l’inégalité d’accès au numérique. La fracture numérique décrit les inégalités dans l’accès aux technologies de l’information et de la communication (TIC), leur utilisation et leur impact. Sont généralement admis au moins deux niveaux de fracture numérique : l’accès (fracture de premier degré), et l’usage (fracture de second degré).[4] Aujourd’hui en France, 17% de la population est touché par l’illectronisme[5]. Si cette part diminue, elle reste importante notamment chez les plus âgés et les plus modestes, et indique que la transformation de la GRU doit se faire dans une démarche d’inclusion numérique (nous détaillerons ce point dans un autre article).

Par ailleurs, l’usage des nouvelles technologies ne peut remplacer le pouvoir d’appréciation parfois complexe des personnels, qui ont à résoudre des cas particuliers en fonction d’informations multiples[6]. En fin de compte, la dématérialisation de certaines démarches a permis de constater l’importance du maintien d’une relation humaine dans les rapports entre administrations et usagers, et d’envisager une complémentarité des approches.

La transformation de la relation usagers, une démarche nécessairement collective.

En conclusion, il faut d’abord rappeler que si la proportion d’usagers utilisant internet pour leurs démarches administratives a augmenté de 12 points entre 2014 et 2018, les usagers continuent de mobiliser différents canaux : le guichet (57%), suivi d’internet (36%), du téléphone (24%) et du courrier (21%)[7].

Partant de ce constat, chez meja nous abordons systématiquement la GRU non pas comme un projet d’installation d’outil numérique, mais comme une démarche globale et collective d’amélioration de la relation usagers. Selon nous, pour qu’un projet de GRU réussisse, plusieurs facteurs sont déterminants :

  • Connaitre les usagers et leurs attentes : un diagnostic de la relation usagers est souvent le préalable nécessaire à un projet de transformation de la relation usagers. On peut être surpris par les attentes des usagers, qui peuvent être loin des projets d’administration.
  • Centrer le projet autour des usagers : il ne faut jamais perdre de vue que le projet doit avoir pour objectif d’améliorer le service rendu. Trop souvent, les projets de transformation numérique privilégient l’image renvoyée à la qualité de service.
  • Associer les agents de terrain : ce sont eux qui disposent de la connaissance des attentes des usagers et des problématiques rencontrées. De plus, ce sont leurs pratiques qui seront potentiellement changées avec le projet. Il est donc essentiel de les associer pour gagner au niveau opérationnel et commencer la conduite du changement.
  • Elargir le spectre : la GRU ne se limite pas au canal numérique et à une démarche. Il faut penser à la fois à l’articulation entre les différents canaux et leur évolutivité, et à la cohérence entre l’outil de GRU en front-office et les outils métiers en back-office pour plus d’efficacité.

Cet article fait la synthèse de diverses expériences de conseil dans le domaine de la GRU que nous avons mené auprès de collectivités. Retrouvez nos références dans le secteur des administrations et collectivités ici !


[1] Jean-Louis Tomas, « ERP et Progiciels de gestion intégrés », Dunod Éditeur, Paris 2002, Coll. « 01 Informatique », page 40 et suiv.

[2] « L’évolution des métiers de la fonction publique », Avis du Conseil économique, social et environnemental présenté par Miche Badré et Pierre-Antoine Gailly, rapporteurs Au nom de la Commission temporaire, 2018.

[3] Observatoire Relation Citoyen organisée par des étudiants Sciences Po Paris sous la direction de Pierre ERRA, 2018.

[4] OCDE, Understanding the Digital Divide, 2001, p.5.

[5] INSEE Première, n°1780, paru le 30/10/2019.

[6] « L’évolution des métiers de la fonction publique », Avis du Conseil économique, social et environnemental présenté par Miche Badré et Pierre-Antoine Gailly, rapporteurs Au nom de la Commission temporaire, 2018.

[7] « Enquête événements de vie 2018 », Direction Interministérielle de la Transformation Publique, 2019.